Par Véronique Anger-de Friberg, fondatrice et Présidente du Forum Changer d’Ère (Le mot de la Présidente – Édition#6 du 21 juin 2018)


TROUVER SA PLACE POUR REUSSIR SA VIE

Bonjour à tous ! Je suis ravie de vous retrouver à la Cité des sciences et de l’industrie !

J’aimerais, dès à présent, remercier Bruno Maquart, président d’Universcience, qui n’a pu être présent aujourd’hui, mais nous a laissé les clés de ce lieu de transmission des savoirs qu’est la Cité des sciences et de l’industrie. Je remercie tous les Partenaires, qui ont rendu possible la tenue de ce 6ème Forum Changer d’Ère : Univercience, Société Générale, Total, Digital Society Forum, EY, Biotics, Mazars IÉSEG, Odoxa, Triple C et Les Di@logues Stratégiques. Au risque de me répéter, j’ai pu constater au fil des années que les leviers positifs de changement sont partout : même là où on ne les attend pas forcément…

Merci également à notre réseau académique et culturel, qui soutient avec un bel enthousiasme notre Forum sur les réseaux sociaux !

J’aimerais aussi rappeler que Forum Changer d’Ère ne serait pas tout à fait ce qu’il est sans le soutien de notre Parrain Joël de Rosnay, co-organisateur de cette édition#6, et d’Eloi Choplin qui met au service de notre Forum les compétences de Triple C et des Rendez-vous du Futur. Merci mes Amis !

Nous avons choisi comme thème pour cette édition#6 : Trouver sa place ! Éducation et formation X.0 : comment l’école & les organisations vont former au monde de demain ?

Comme vous le savez, cette année, ce rendez-vous majeur de prospective sociétale est placé sous le haut patronage de Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République. C’est un honneur, et cela a du sens : à l’ère de la révolution numérique, les enjeux d’éducation et de formation pour le futur de notre pays -en particulier de notre jeunesse- sont considérables.

Ainsi, après le temps de la disruption, vient le temps de la formation… Et faire entrer l’École et le monde de la formation dans la culture numérique représente un vrai défi ! Comment former à ce monde qui vient dans le contexte d’une remise en cause de plus en plus forte de l’école par les jeunes générations ? Comment former à la culture numérique, à ses nouveaux outils et usages, et surtout comment former -et se former- tout au long de la vie pour s’adapter à un monde en mutation permanente ?

Comment apprendre à apprendre, apprendre à faire apprendre, voire apprendre à désapprendre puisque bon nombre de nos connaissances deviennent obsolètes ? Comment anticiper et s’adapter en permanence à cette incroyable accélération des technologies et des savoirs ? Et comment corriger cette ignorance quasi totale des nouvelles technologies dans l’éducation et la formation professionnelle ?

L’IA est certainement l’une des plus grandes révolutions sociales et économiques que le monde ait jamais connues. La rapidité d’apprentissage de l’IA est multipliée par 100 chaque année alors que l’école n’a presque pas évolué en un demi-siècle ! Comment préparer aux métiers de demain quand celle-ci forme d’abord aux métiers d’hier ?

Il est clair qu’on ne peut plus former les jeunes comme nous le faisions au siècle dernier. Il faut adapter les méthodes d’enseignement au numérique, et la principale mission de l’école du futur devrait être de développer la capacité des jeunes à trouver collectivement des solutions à toutes sortes de problèmes complexes.

Pour cela, il faudra les aider à mieux comprendre la complexité et l’évolution du monde, à développer leur créativité, leur sens critique, leur intelligence collective, les encourager à coopérer… Toutes ces conditions sont essentielles pour réussir ensemble !

Tout au long de cette journée, nous verrons à quel point l’investissement dans l’éducation et le développement des compétences est une clé essentielle de l’innovation et de la transformation des entreprises. L’Éducation Nationale et la formation continue doivent en effet permettre à chacun d’être acteur de sa vie. Plus que cela : chacun devrait être artisan de son propre apprentissage. Il devrait être possible de pouvoir choisir les conditions de son apprentissage ou de sa formation, de jouer la transdisciplinarité & de favoriser les passerelles entre filières générales et professionnelles.

Il faudrait aussi ré-enseigner l’Histoire, hors de toute idéologie. Car une jeunesse -et plus largement un peuple- qui ne connaît pas l’Histoire de son pays, c’est un peuple qui a perdu la mémoire… donc qui est voué à répéter les erreurs du passé. Comme s’en inquiétait Albert Camus (1913-1960), grand écrivain et prix Nobel de Littérature 1957 dans son discours de cérémonie de l’attribution du Prix : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. ».

Les enjeux sont d’autant plus grands que les périls menacent. La culture générale et la mémoire de l’Histoire deviennent vitales alors que la manipulation des faits, le sabotage de vocabulaire, la désinformation et les fake news sévissent de plus en plus sur internet et les réseaux sociaux.

Dans ce contexte, prendre conscience collectivement qu’il est urgent d’« empêcher que le monde se défasse » serait un bon début… Notamment grâce à l’éducation qui « représente presque le seul remède face au totalitarisme et à l’obscurantisme » comme le rappelle le psychiatre Boris Cyrulnik dans son dernier livre Psychothérapie de Dieu (Odile Jacob, 2017).

Notre devoir, à nous adultes, est de donner à nos jeunes, depuis leur plus jeune âge, le sens des responsabilités et de l’engagement. Notre rôle est de les aider à apprendre à être plutôt qu’à paraître pour occuper leur juste place. La place à laquelle ils ont droit en tant que citoyens à part entière et adultes en devenir.

Parce qu’il n’y a pas d’âge pour changer le monde, nous devons leur donner les moyens d’être des citoyens en action. Des citoyens désireux de faire leur  part, confiants dans les autres et dans l’avenir, afin qu’ils se sentent utiles à la communauté des vivants.

Comment faire coïncider nos valeurs, nos aspirations, nos compétences, nos talents, nos moyens, notre imagination, notre envie de créer du lien et de donner du sens, avec ce dont la société a besoin ? Faire sa part c’est la garantie d’être reconnu à sa juste valeur, de se sentir utile. Légitime. C’est se sentir responsable, acteur de la construction d’un monde plus intelligent, plus vivable, plus équitable, plus équilibré, plus confiant.

Le grand défi de l’école du futur et de la formation continue sera d’aider chacun à trouver sa voie, à réussir dans la vie. Et plus encore que réussir dans la vie, c’est réussir sa vie (personnelle, professionnelle, sociale) qui importe. Et qu’est-ce que réussir sa vie si ce n’est se sentir à sa juste place ? Même si cela induit aussi parfois de faire de la place, de laisser la place à de nouveaux venus…

J’aimerais conclure avec cette magnifique pensée du mathématicien Nicolas de Condorcet (1743-1794) tant elle illustre parfaitement le sens que nous souhaitons donner à cette édition 2018 : « La vie humaine n’est point une lutte où des rivaux se disputent des prix ; c’est un voyage que des frères font en commun, et où chacun employant ses forces pour le bien de tous, en est récompensé par les douceurs d’une bienveillance réciproque, par la jouissance attachée au sentiment d’avoir mérité la reconnaissance ou l’estime. ». Là est certainement le sens profond de la vie : ce voyage est trop précieux et trop court pour qu’on le gâche. Le digital modifie les outils et nos rapports aux autres mais le voyage, lui, continue. Ou plutôt, il ne fait que commencer…

Merci pour votre attention et bon voyage avec Forum Changer d’Ère !