Management des équipes à distance : le temps de la réflexion
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- Les Di@logues Strategiques on 2 mai 2010 inLes Di@logues Strategiques Non classé



(Les Di@logues Stratégiques® N°40 – 01/03)

Myriam Barni est experte en communication et management des organisations virtuelles. Elle est également associée de MAIN Consultant*, cabinet de conseil en management et technologies de travail collaboratif.
Son livre sur le management des équipes virtuelles « Manager une équipe à distance » paraîtra en février prochain aux éditions d’Organisation (Eyrolles).

Véronique Anger : Pourquoi un livre sur le management des équipes à distance ?
Myriam Barni : Ce livre, c’est le temps de la réflexion tout simplement. Il est né de l’évolution de MAIN Consultants au fil de ses dix ans d’existence. L’objectif du cabinet est toujours le même : établir un lien entre ces trois éléments : organisation du travail, technologies, être humain.
Comment les organisations utilisatrices des nouvelles technologies de communication font-elle évoluer le management, les « relations humaines » ? Comment redonner, au sein de l’entreprise, sa place essentielle aux individus sans pour autant masquer la dimension collective qui est le propre du travail partagé ?
Je pense qu’il est impossible, pour la plupart des êtres humains, d’intégrer de nouvelles technologies, de nouvelles connaissances, si on ne s’accorde pas le temps de la réflexion ou si on ne se « jette pas à l’eau » en passant à la pratique.
Ma démarche vise à apporter une vision globale du management à distance pour mieux en saisir les enjeux.

VA : Après environ sept années d’internet, on aurait pu s’attendre à ce que le travail à distance fasse aujourd’hui partie du quotidien…
MB : Dans mon livre, je parle de la distance géographique liée à la mondialisation et à l’extension des entreprises, mais il est aussi question de « distance » au sens figuré. La « distance » entre les gens est bien souvent due à des incompréhensions, des différences culturelles, des objectifs de travail qui manquent de clarté.
Les contraintes d’organisation créent aussi des barrières, ne serait-ce que parce que les temps de travail sont dissociés. Je pense par exemple aux problèmes posés actuellement par l’application plus ou moins heureuse des 35 heures. Il n’est pas facile, en effet, pour des individus évoluant dans des « espaces-temps » désynchronisés de réussir à travailler ensemble.
Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à adopter les nouvelles technologies pour les encourager à se réunir plus facilement, ne serait-ce que virtuellement…

VA : Votre réponse laisse supposer que les managers manquent de repères et rencontrent encore des difficultés à appréhender les nouveaux moyens d’échanges et de communication ?
MB : Je pense qu’ils ont envie de trouver des clés pour apprendre à utiliser le mieux possible les nouvelles technologies afin d’obtenir rapidement des résultats observables.
A travers cet ouvrage, j’ai souhaité répondre à des questions concrètes, présenter diverses expériences de travail à distance (de grandes et petites entreprises, du secteur public et privé, internationales ou régionales,…), donner du sens à cette nécessaire réflexion afin de réussir son passage à l’action, sachant que l’apprentissage passe par l’action, qu’il se nourrit des erreurs et des succès de l’expérience. Nous apprenons mieux en faisant…
Il est amusant de noter que les entreprises françaises privilégient l’utilisation de la messagerie, sans avoir réalisé pleinement la dimension « groupe » qu’elles cherchent à développer avec cet outil. Grâce au mail, plusieurs personnes -constituant une équipe virtuelle- peuvent travailler ensemble, à distance sur un réseau intranet ou sur internet, mais cela provoque de la confusion.
Prendre conscience qu’il existe d’autres outils, spécifiquement dédiés au travail de groupe, est l’une des conditions nécessaires pour pouvoir améliorer l’efficacité des organisations.
Je vous rappelle qu’internet est vraiment connu depuis cinq ans. Pourtant, il demeure, chez la plupart des dirigeants et de leurs collaborateurs, une méconnaissance, une incompréhension profonde de ce que sont les intranets.
Pour beaucoup, il s’agit de simples réseaux locaux, fermés, alors que ces espaces sécurisés sont de véritables bureaux partagés. Il faut chasser l’idée d’un bureau sans porte, ni fenêtre et dont la moindre issue serait bétonnée… Les bureaux virtuels doivent aussi communiquer avec le monde extérieur, par internet.

VA : Porté par les technologies émergentes, le management des équipes virtuelles est un sujet en vogue actuellement…
MB : Détrompez-vous, le management des équipes à distance -et en particulier des équipes virtuelles- n’est pas du tout à la mode… Ma conviction est que le management des équipes virtuelles n’est pas inspiré par la technologie, mais plutôt par le contexte économique, les évolutions de la culture et des courants de pensée actuels.
Je crois que nous nous sommes trompés quant à la manière d’appréhender le phénomène. Les machines à communiquer créent l’occasion de construire de nouvelles formes de liens sociaux et de réseaux professionnels. Les vastes « communautés virtuelles » qui se développent sur le web en sont une bonne illustration.
Pour ce qui est du travail d’équipe, nous avons oublié cette notion fondamentale : même si l’entreprise est gigantesque, le groupe dépasse rarement sa dimension préhistorique ! Le noyau vraiment actif des équipes représente généralement dix à quinze membres au maximum.
L’usage des outils de communication à distance réhabilite la notion de groupe de travail à taille humaine. Coopérer, coordonner le travail, collaborer,… : chaque action interagit avec les autres.
Les échanges humains ne dépendent pas uniquement des technologies. La réussite des équipes travaillant à distance se situe bien au-delà des beaux discours vantant les progrès de l’informatique, les fameuses NTIC. Dans la pratique, les individus qui composent ces  » plateaux virtuels  » doivent s’identifier, apprendre à « parler » les uns avec les autres au travers d’un écran et, bien entendu, agir et produire un travail effectif…

VA : Avez-vous prévu d’enrichir votre livre par des informations plus interactives, par exemple sur un site web ?
MB : Comme je l’ai indiqué précédemment, la rédaction du livre est intimement liée à l’histoire de MAIN Consultants. En plus des nombreuses news en ligne sur le site actuel, nos visiteurs auront bientôt la possibilité de partager leurs expériences, d’échanger leurs idées, en particulier sur cette thématique du management des équipes virtuelles.
Nous espérons ainsi susciter une réflexion critique qui ne se limite pas aux seuls aspects opérationnels. Nous attendons de notre « communauté » qu’elle confronte sa vision (politique, économique, culturelle sur le devenir des organisations,…) à des expériences concrètes.