Loin du slogan : » accéder à la bonne information au bon moment « La connaissance ne s’arrête pas aux frontières de l’entreprise Nous sommes tous des » porteurs de connaissance « Un processus métier complexe et transverse Une affaire » d’évangélistes « Le KM, un état d’esprit
Dans le cadre du KMforum, qui s’est déroulé en septembre dernier à Paris, Jean-François Ballay*, Directeur du Knowledge management (KM) à EDF-GDF, a fait une rétrospective de la conduite stratégique du KM à EDF-GDF depuis ces dix dernières années :
EDF-GDF s’est intéressé au KM dès le début des années 90. La » capitalisation des connaissances » a démarré avec des méthodes classiques, telles que la gestion documentaire. L’une de nos bases de données » Mémoire technique électronique » contenait plus de 200 000 documents !
L’utilisateur devait se déplacer dans les unités documentaires d’EDF-GDF et s’adresser à un documentaliste, ou faire appel à divers réseaux de compétences (partenaires, clients, collaborateurs,…) pour obtenir les informations recherchées.
Nous étions loin des solutions de KM (ou gestion des connaissances) actuelles promettant d’accéder à la bonne information au bon moment…
En dehors de ces systèmes » collectifs « , la capitalisation des connaissances se limitait, le plus souvent, à des méthodes individuelles fondées sur de vieilles habitudes qui avaient fait leur preuve (documents papier classés dans une armoire à proximité…).
En terme de gestion des compétences, le paysage a beaucoup évolué depuis dix ans. Le millier de formateurs du Service de Formation Professionnelle (SFP) d’EDF-GDF répond à la plupart des besoins en formation continue. Les expérimentations et les concepts développés par le SFP sont innovants et donnent de bons résultats.
Ce Service spécialisé existe encore en 2001, mais nous ignorons toujours qui, au sein de nos entreprises, assure réellement la gestion des compétences au sens de la » transmission des compétences « .
C’est dans ce contexte que nous avons lancé les premiers projets de partage des connaissances. Réussir à mettre en place des projets de capitalisation des connaissances devait contribuer à nous affranchir de nos difficultés liées à la transmission des compétences.
Dans la mesure où la connaissance ne s’arrête pas aux frontières de l’entreprise, cette démarche s’inscrivait également dans une volonté d’ouverture sur l’extérieur.
Aujourd’hui, nous avons un objectif supplémentaire qui est de développer les capacités d’apprentissage et d’innovation.
En 1992, nous avons lancé le projet » Diadème » au sein du Service Matériel Electrique (400 personnes), un Service à forte teneur technologique (beaucoup d’ingénieurs et techniciens) réparti sur plusieurs sites. Cette démarche visait à accroître la compétence collective pour mieux travailler ensemble (dimension horizontale et spatiale) et mieux transmettre les compétences (dimension temporelle).
Le dispositif déployé dans le cadre de Diadème demeure assez représentatif des solutions de KM actuelles. C’est un peu l’équivalent d’un » portail « .
L’organisation mise en place précisait certains rôles essentiels, en particulier : l’animateur du processus de capitalisation des connaissances. Ce » facilitateur » (ce peut être le documentaliste(1)) capable d’appréhender des univers différents, relie la hiérarchie et les » travailleurs du savoir » (ou contributeurs).
Nous avons progressivement défini des processus destinés à collecter le savoir d’experts quittant l’entreprise. Pour réussir, il est nécessaire de mobiliser le management et d’anticiper les changements. Se réveiller au dernier moment serait dérisoire. Il faut au contraire alimenter, capitaliser au fil de l’eau (les bonnes pratiques, les documents considérés comme indispensables, les carnets d’adresses,…).
Il est essentiel d’impliquer les nouveaux embauchés, de les former, de leur expliquer à quoi servent les processus de capitalisation.
Nous sommes tous des contributeurs potentiels, des » porteurs de la connaissance « . Pourtant, beaucoup d’entre nous s’avouent réfractaires au partage des connaissances en dehors de leur propre réseau de compétences.
En 96/97, à l’initiative du Directeur général d’EDF, nous avons mis en place un portail intranet de capitalisation des connaissances (avec animation de réseaux d’échanges, de forums de discussion,…) au sein de l’entité Production Décentralisée. Ce portail se voulait également un moyen d’interaction sociale au sens » métier » du terme.
De même que dans l’exemple cité précédemment, ce projet nécessitait toute une démarche organisationnelle, structurelle et managériale.
A la différence de Diadème dont la cible demeurait interne au Service, la problématique du projet Production Décentralisée était transverse à l’entreprise, voire extérieure(2). Le système s’inscrivait dans des réseaux et des communautés de métiers.
De ce fait, ce type de projet a rencontré des difficultés liées principalement à la sensibilisation et à l’implication du management. En effet, comment le manager peut-il vérifier que les différentes populations concernées (contributeurs ou utilisateurs finaux) utilisent bien le système ?
Le schéma avec, d’une part un émetteur, qui transmet la connaissance à travers un réseau et, d’autre part, un utilisateur qui reçoit cette » vérité « , conduit à bien des erreurs. Avant d’être un système d’information (SI), le management des connaissances doit être considéré comme un processus métier complexe et transverse.
Il est important d’agir en interaction permanente avec les autres et avec notre environnement. Chacun doit intégrer, transformer les expériences et les savoir-faire pour augmenter ses propres compétences. L’apprentissage ne se fait pas à travers le SI, mais à au cœur du cerveau humain…
Les enseignements tirés des démarches » pionnières » d’EDF-GDF sont encore valables aujourd’hui.
La capitalisation des connaissances représente, ce que j’appellerais, le KM de première génération. Il est difficile de quantifier la valeur ajoutée de la connaissance ou d’en estimer le retour sur investissement.
Cela étant, nous constatons certains effets positifs, notamment que les projets réussis sont vraiment mobilisateurs. De même, l’image de l’entreprise qui affiche le » KM attitude » est plus humaniste, plus innovante.
Pour réussir, tout le monde doit participer. Le KM est une affaire » d’évangélistes « . Les sociétés anglo-saxonnes l’ont compris et désignent des » knowledge evangelists » pour soutenir la démarche de leur manager.
Aujourd’hui, l’économie est fondée sur la connaissance(3). Bien que la gestion des connaissances demeure un concept assez flou pour la majorité de la population, la plupart d’entre nous perçoit le capital intellectuel, la connaissance, la compétence, comme des valeurs fondamentales de notre économie.
Nous n’atteindrons la maturité de la gestion des connaissances que si tous les acteurs concernés en comprennent globalement les principes et se les approprient. Le KM est un état d’esprit, mais ce n’est certainement pas qu’un problème intellectuel. ».
Le KM à EDF-GDF : leçons et perspectives
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- Les Di@logues Strategiques on 2 mai 2010 inLes Di@logues Strategiques
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(Les Di@logues Stratégiques® N°19 – 09/01)
(1) Avec l’essor de l’intelligence économique, le métier de documentaliste a évolué vers un métier de » veilleur « .
(2) EDF possède un réseau de transport d’électricité auquel des producteurs indépendants se raccordent. Il s’agit en quelque sorte d’une » autoroute à péage « . Le raccordement d’opérateurs extérieurs pose évidemment toutes sortes de questions (techniques, juridiques, commerciales,…).
(3) Selon l’OCDE, 10% de l’économie serait directement liée aux activités fondées sur la connaissance.
*Jean-François Ballay est également l’auteur du livre » Capitaliser et transmettre les savoir-faire dans l’entreprise « . Il anime, par ailleurs, le club Gestion des connaissances d’EDF-GDF qui regroupe 150 » K Managers « .