(Les Di@logues Stratégiques® N°47 – 24/11/04) Suite à l’émission » Arrêt sur images » diffusée le 21 novembre dernier sur France 5, nous avons souhaité interviewer Michel Galy*, politologue, chercheur au Centre d’études sur les conflits, enseignant à l’Institut d’études politiques de Paris. Nous voulons tenter de comprendre pourquoi les versions officielles ivoiriennes et françaises diffèrent tellement ? Pourquoi les médias français ne posent pas les questions » qui fâchent » ? Pourquoi l’opinion publique semble indifférente aux drames qui touchent l’Afrique ? Décryptage de Michel Galy. Véronique Anger : Les militaires de Licorne ont alerté Paris sur le risque grandissant à Bouaké. Pourquoi personne ne parle du flot d’informations remontées en continu vers leur état-major parisien ? De plus, depuis des mois, les agents de la DGSE faisaient remonter des informations sur la situation explosive en Côte d’Ivoire, pourtant personne ne semble s’en être inquiété ? Michel Galy : Effectivement, le gouvernement français était au courant de cette offensive. Je pense qu’il ne s’est pas interposé parce qu’il pensait que ce serait le moyen pour lui de se retirer progressivement du terrain et de désengager Licorne au profit de l’ONUCI. La France avait bien positionné des mirages au Gabon au cas où il lui aurait fallu intervenir rapidement, mais les appareils n’étant pas sur le sol ivoirien, ils ne pouvaient qu’arriver trop tard… Comme l’ont écrit le Canard enchaîne, France Soir, Libé ou Le Monde, l’Etat français multiplie les centres de décision (ministère de la Défense avec Michèle Alliot-Mary, le Quai d’Orsay avec Michel Barnier, le ministère de l’Intérieur avec Dominique de Villepin, les conseillers pour l’Afrique à l’Elysée avec Michel de Bonnecorse,…). D’où une cacophonie générale, et des guerres intestines opposant les partisans des différents clans. La riposte à chaud, décidée par Monsieur Chirac et ses conseillers, pose également le problème du découplage et de l’ignorance des travaux des chercheurs par le pouvoir. C’est très grave car, dans ce cas précis, la prise de décision aurait dû dépendre de l’analyse » politologique » au sens large et de la sociologie d’Abidjan : Qui sont les manifestants ? Quelles seront les conséquences géopolitiques d’une telle décision ? VA : Dans la mesure où la piste de Yamoussoukro est à quelques dizaines de mètres de la base Licorne, pourquoi les avions ivoiriens n’ont pas été arrêtés plus tôt ? On peut s’étonner que les bombes aient pu être chargées sur les Sukhoïs à moins de 50 mètres de la force française… Pourquoi, a contrario, ne les a-t-on pas bloqués au sol au retour de leur mission, dans le langage militaire » à fin d’enquête » ? MG :Je ne suis pas expert militaire… Je peux simplement constater qu’il existe tellement de versions contradictoires à propos du bombardement de Bouaké que seule une commission d’enquête permettrait d’y voir clair. L’Elysée avait, selon mes sources, donné un » feu orange » -à mon avis passablement vert- autorisant les FANCI à reconquérir Bouaké et les villes de l’Ouest. Le discours du président Laurent Gbagbo était prêt pour le » 20 Heures « d’Abidjan. Si tout s’était passé comme prévu, le président ivoirien se serait positionné -même si sa victoire n’était que partielle- comme le libérateur du territoire, se plaçant de fait en position de force pour les élections présidentielles prévues à l’automne 2005. Le bombardement des forces Licorne à Bouaké a totalement anéanti ce plan évidemment. Dans ce contexte, si vous vous posez la question : à qui profite le crime ? (9 morts et 33 blessés français) ce n’est, à l’évidence, ni à Laurent Gbagbo, ni à notre gouvernement. On ne peut pas exclure qu’il existe, dans l’entourage du président ivoirien, un clan des » durs » qui, sans bien mesurer les conséquences de leur acte, aurait pu bombarder les Français parce que Licorne et les contingents de l’ONUCI (l’Opération des Nations Unis en Côte d’Ivoire) bloquaient les FANCI remontant du Sud vers le front, c’est-à-dire vers Bouaké. Cette explication ne me satisfait pas non plus si l’on considère que la colonne de FANCI a facilement contourné la position de l’ONUCI. Il lui a suffi, en effet, de faire un détour de trois cent mètres en brousse pour éviter le barrage… Les » durs » du régime de Gbagbo n’avaient donc pas besoin de bombarder les positions françaises pour passer… VA : Pourquoi avoir humilié les Ivoiriens en anéantissant la totalité de leurs moyens aériens (jusqu’au Grumann civil présidentiel, évidemment non armé) privant ainsi l’armée ivoirienne d’un avantage militaire sur les rebelles, mais aussi sur d’éventuels agresseurs extérieurs ? Pourquoi avoir positionné les chars autour de l’hôtel Ivoire (proche de la résidence présidentielle) et provoqué du même coup le déchaînement anti Blanc de la foule ? MG : La plupart des observateurs s’accordent sur le fait que les deux Sukhoïs devaient être détruits en vol si ce n’est au sol, même en dehors de tout mandat international. En revanche, la destruction totale des moyens aériens militaires et civils ivoiriens paraît totalement disproportionnée. S’ajoutent à cela le mitraillage et la destruction partielle du palais de Félix Houphouët-Boigny à Yamoussoukro, qui a provoqué de violentes réactions chez les nombreux Houphouëtistes, notamment les Baoulés(1). Idem pour le palais présidentiel d’Abidjan. De même, lorsque les militaires prendront l’aéroport civil Houphouët Boigny proche du 3ème BIMA (Bataillon d’Infanterie de Marine) afin de faciliter le rapatriement des expatriés français, la France ne mesurera pas toute la portée, me semble-t-il, de ces actes hautement symboliques. Personnellement, j’ai travaillé pendant dix ans sur les violences urbaines en Côte d’Ivoire et, si je peux me permettre cette métaphore un peu osée, je dirais que détruire toute l’aviation du pays et mettre en danger les 15.000 ressortissants français revient à appuyer sur les deux boutons en même temps ! Les émeutes urbaines qui ont suivi étaient prévisibles : après la riposte française, il était évident que les Français de Côte d’Ivoire seraient immédiatement pris à parti. VA : Pourquoi le gouvernement français n’a-t-il donné l’ordre aux militaires sur place de renverser Gbagbo, comme cela s’est toujours pratiqué en Afrique finalement, et placé un nouveau chef à sa place, Alassane Ouattara par exemple ? MG : On ne m’ôtera pas de l’idée qu’il y a bien eu tentative de renversement du régime de Gbagbo par des militaires français. Les blindés, qui venaient de Bouaké pour la plupart, se sont frayés un passage en tirant sur les barricades et en faisant des victimes. Ils se sont ensuite massés autour de l’hôtel Ivoire. Si vous connaissez un peu les lieux, vous savez que très peu de Français résidaient dans ce quartier et qu’il n’y avait donc aucune nécessité d’une présence militaire à cet endroit. En revanche -et c’est le fait notable- une colonne de dix chars est passée à proximité de l’hôtel Ivoire avant de se diriger sur le palais présidentiel. Le premier char a pénétré à l’intérieur de la propriété présidentielle avant de rebrousser chemin. Le palais présidentiel a été mitraillé alors que les chars se rapprochaient. Le président Gbagbo et ses proches ont d’ailleurs dû courir se réfugier dans leur bunker. Les militaires ont prétendu ensuite s’être trompés et avoir été remis sur le bon chemin de l’hôtel Ivoire (qu’ils cherchaient paraît-il) par les FANCI ! L’étonnant, dans cette hypothèse de faucons voulant renverser le régime Gbagbo, serait plutôt qu’ils ne soient pas allés jusqu’au bout ! S’il y a eu ordre puis contrordre, cela justifierait l’hypothèse d’une pluralité de centres de décision côté français. VA : La presse commence à évoquer les victimes côté ivoirien. Les autorités ivoiriennes parlent de massacre. Avez-vous des informations précises sur ce qui s’est réellement passé ce samedi 6 novembre sur les ponts menant à l’aéroport Houphouët Boigny ? MG : Au Contrairement à ce qui a été annoncé, la foule des » patriotes » était, selon certaines sources, plus proche de 300.000 que de 30.000. Ce samedi 6 novembre, en fin d’après-midi, tous ces gens -pour la plupart, des habitants des quartiers populaires- se sont dirigés vers le BIMA et l’aéroport international. Pour ceux qui connaissent la topographie d’Abidjan, la seule façon de bloquer les » émeutiers » consistait à maîtriser les deux ponts traversant la lagune : le pont Charles de Gaulle et le pont Houphouët Boigny. Après les premières sommations, les hélicoptères d’assaut français ont tiré sur la foule à balles réelles, y compris de nuit. Ce soir-là, j’ai passé deux appels téléphoniques. Le premier à un haut fonctionnaire de la Défense à Paris. Celui-ci m’a décrit la situation en temps réel tout en corroborant mes informations. J’ai ensuite appelé un ministre ivoirien resté à Abidjan. Lui aussi a confirmé les faits. Cette opération a fait de nombreux morts et blessés du côté ivoirien. Les chiffres du Comité International de la Croix Rouge (CICR) et des associations humanitaires sur place parlent d’environ 30 morts et de 1.200 blessés sans rencontrer beaucoup d’échos à Paris, et de 30 à 60 morts selon d’autres sources. Il y a une inflation permanente car tous les morts n’ont pas encore été répertoriés. En effet, certains Ivoiriens ont sauté dans la lagune pour essayer de sauver leur peau et leurs cadavres n’ont pas été repêchés immédiatement. Le massacre des civils d’Abidjan par l’armée française risque de marquer les esprits ivoiriens pour longtemps. L’ancien ministre de la Défense (PS) Paul Quilès et le premier secrétaire du PS François Hollande, ont demandé -à titre individuel- la création d’une commission d’enquête sur » les événements qui ont marqué la rupture entre Paris et Abidjan « . Dans le même temps, une association de défense des militaires a, de son côté, porté plainte contre Laurent Gbagbo. VA : D’après vous, la France va-t-elle rester encore longtemps en Côte d’Ivoire ? MG : La question est de savoir si on va conserver longtemps encore une présence militaire occidentale fort coûteuse… Il y a 17.500 hommes des Nations Unies en Sierra Leone pour 4 millions d’habitants. 5.000 ou 6.000 hommes au Liberia pour 3 millions d’habitants. Les 10.000 ou 12.000 hommes présents en Côte d’Ivoire (forces françaises et onusiennes confondues) paraissent donc largement insuffisants. Depuis treize ans, on constate qu’une » guerre nomade » se déplace à travers toute l’Afrique de l’Ouest (Liberia, Sierre Leone, Guinée, Côte d’Ivoire…). En d’autres termes, dans l’hypothèse -peu vraisemblable- où la paix durerait en Côte d’Ivoire, elle risquerait de repartir ailleurs… La situation actuelle en Côte d’Ivoire est le résultat d’un déséquilibre entre les territoires. La seule manière -en admettant qu’on souhaite réellement » mâter » ces rébellions, y compris le MPCI dirigé par Guillaume Soro(2) (Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire) pour reprendre le terme des militaires- il faudrait également déployer une sorte de plan Marshall sous financement international, en faveur des périphéries et des frontières nord et ouest du pays afin de rééquilibrer les territoires. Pendant trente ans sous Houphouët Boigny, le développement économique favorisait Abidjan au détriment de l’ensemble du pays. VA : Pourquoi ne dénonce-t-on pas que les rebelles présentés comme Ivoiriens, comptent en fait de nombreux Tchadiens, des Burkinabés et Centrafricains dans leurs rangs, des troupes de mercenaires ayant appartenu à la sanguinaire » garde noire » qui sévissaient déjà en Centrafrique sous François Bozizé ou au Front Uni Révolutionnaire (RUF) de Foday Sanko en Sierra Leone(3) ? MG : Il est vrai qu’on entendait beaucoup parler anglophone à Bouaké et dans les villes de l’ouest. Parmi les rebelles, je pense qu’une partie de l’armée ivoirienne n’a pas accepté d’être démobilisée. Il y a aussi des anciens militaires exclus de l’armée ivoirienne et réfugiés à Ouagadougou près d’Ibrahim Coulibaly (dont la principale fonction a été pendant longtemps d’être le garde du corps d’Allassane Ouattara). Ce n’est un secret pour personne que les rebelles sont appuyés actuellement par le régime de Blaise Compaoré, président du Burkina, qui a joué le même jeu, depuis 15 ans, vis-à-vis des pays voisins, le Liberia et la Sierra Leone. Vous avez raison, comme vous l’indiquez les rebelles sont des Ivoiriens épaulés de mercenaires, en particulier de membres du RUF qui sévissait à la porte à côté… en Sierra Leone. VA : Comment expliquer que la France n’ait pas tenté d’étouffer la rébellion (à l’époque, un millier d’hommes sous armés) quand elle en a eu l’occasion il y a deux ans ? MG : La France, qui avait signé des accords de défense avec la Côte d’Ivoire (comme avec la plupart des pays d’Afrique francophone) ne les a pas appliqués. Ce que regrettent aujourd’hui de nombreux militaires français. Certes, le régime de Gbagbo, ami des socialistes français, pouvait paraître antipathique aux chiraquiens à Paris… Mais, nous n’aurions pas eu besoin ensuite de déployer Licorne, qui coûte tout de même 6 à 7 millions d’euros sans parler des morts et des blessés dont nous aurions pu faire l’économie. A présent que l’armée de l’air ivoirienne n’existe plus, la seule solution aujourd’hui pour rétablir l’équilibre est un désarmement forcé des rebelles. VA : Selon vous, qui arme et finance les rebelles ? MG : L’origine précise des sources du financement de la rébellion ivoirienne demeure un grand mystère… Selon des responsables du Rassemblement Des Républicains (RDR) d’Alassane Ouattara, le » monstre » (la rébellion) qu’ils auraient créé leur aurait échappé ! Si vous raisonnez objectivement, dans la perspective d’élections libres, la situation ne fait pas forcément le jeu de Ouattara, qui se retrouve en compétition avec le chef de guerre Ibrahim Coulibaly et Guillaume Soro, le secrétaire général des Forces Nouvelles (la rébellion baptisée FN), pour affronter le président Gbagbo. VA : Comment expliquez-vous le parti pris médiatique pro rebelles en 2003 puis pro français aujourd’hui ? MG : Le parti pris pro rebelles d’une majorité des médias français et internationaux remonte à septembre 2002. Pour des raisons que je ne parviens pas à éclaircir, les médias se sont pris d’une affection immodérée pour les rebelles de Côte d’Ivoire, présentés comme » les rebelles qui sourient « … Pourtant, ce sont, en partie, les mêmes guerriers sanguinaires qui violaient et mutilaient en Sierra Leone. J’ai toutefois un début d’explication. Il est de notoriété publique qu’une partie de la presse internationale, et donc certains médias français, reçoivent des financements provenant de partis ivoiriens ou de leurs alliés français. C’est en particulier le cas de certains hebdomadaires spécialistes de l’Afrique. D’ailleurs, des journalistes que je ne citerai pas ici, ont mené de véritables campagnes de presse pro rebelles au moment de la crise de 2003… et depuis ! La presse ne se pose pas les bonnes questions sur le ministère de la Défense ou l’Elysée. Elle ne mène pas d’investigation sur le terrain. C’est l’hypothèse de la » kakisation » de la presse en période de conflits, une sorte d’autocensure, très bien décrite dans l’éditorial de Libération signé Daniel Schneidermann (« En Côte d’Ivoire, le journalisme en uniforme » du 12/11/04). Concernant les derniers événements, je m’étonne que les journalistes dépêchés sur place ne se soient pas rendus à la morgue pour comptabiliser les corps ou au CHU de l’avenue Giscard d’Estaing pour interroger les victimes. Cela étant, quelques chaînes comme France 5 ou Canal + commencent à diffuser des images ou à se risquer à sortir du » discours officiel « . VA : Dans le même ordre d’idée, pourquoi l’opinion publique semble si indifférente au drame que vivent les Africains en général ? MG : C’est horrible à dire, mais comme vous le faites remarquer, l’opinion publique n’est pas véritablement touchée par ce qui se passe en Afrique d’une manière générale. Le mort africain, a fortiori le blessé, pèse peu de poids face aux ressortissants occidentaux débarquant à l’aéroport de Roissy, effondrés et » en short » comme le note, un poil ironique, Schneidermann. Je compatis bien sûr (et je ne place pas surtout pas sur le même plan les cas de viols subis par les femmes blanches à Abidjan) mais cette mise en scène du retour des expatriés est un rituel médiatique bien rôdé (40 interventions de ce type ont eu lieu en Afrique depuis les années 60). Généralement, le téléspectateur aperçoit les réfugiés éplorés, auxquels bien sûr personne ne pose de questions fondamentales. En arrière-plan, apparaissent ensuite les masses africaines » à l’état sauvage » brandissant leurs machettes menaçantes. Mais aucune explication n’est fournie sur qui ils sont, le contexte politique ou ce que font les Français sur place… De toute façon, qui veut réellement le savoir ? Il faut, hélas, reconnaître que les Français (les Occidentaux en général) ont une image très colonialiste de l’Africain. Vivants ou morts, » les Blancs sont comptés « . Les populations africaines » font partie du décor « , pour citer à nouveau Schneidermann. C’est cela qui est effroyable ! Le réalisateur malien Souleymane Cissé désespérait que » dans les films d’action comme dans les films d’actualité, on filme mieux les animaux que les hommes en Afrique ! « . VA : Comment envisagez-vous l’avenir de la Côte d’Ivoire ? MG : Je joue les Cassandre depuis 15 ans, mais l’avenir de la Côte d’Ivoire s’annonce malheureusement assez sombre… A l’époque d’Houphouët, nombreux étaient ceux qui croyaient en une transition politique réglée et pacifique. Pour ma part, je ne partageais pas cette vision optimiste. Installé en Côte d’Ivoire depuis sept ans, je voyais déjà s’aggraver les fractures sociales et entre blocs ethniques. Mon point de vue est que la France a misé sur le plus mauvais candidat de l’époque, c’est-à-dire Henri Konan Bédié. C’est à lui que nous devons le concept de » l’ivoirité « . Ouattara(4) est aussi son oeuvre… Avec ses capacités intellectuelles limitées, Bédié a réussi en cinq ans à détricoter tout ce que Houphouët Boigny avait bâti pour rééquilibrer un peu le pays et son gouvernement. La France est responsable d’avoir soutenu Bédié au moment de la succession d’Houphouët en 1993. Il représentait alors le candidat des milieux d’affaires français (je fais allusion au rapport des consultants officieux de » Nord-sud import » et au gouvernement). Pour le futur, plusieurs scenarii sont possibles. Le plus effrayant serait un scenario à la rwandaise. Dans ce cas, les 3 ou 4 millions de cultivateurs Sahéliens de café/cacao installés dans le sud loyaliste, jusqu’à présent épargnés par les crises, se feraient massacrer. Les rescapés tenteraient de refluer vers le Mali et le Burkina, ce qui conduirait deux pays supplémentaires dans la tourmente. Autre hypothèse, la force Licorne décide d’abandonner le terrain. Dans ce cas, ce serait le carnage assuré à Bouaké si les FANCI sortaient vainqueurs ; à Abidjan s’ils étaient vaincus. Il pourrait aussi y avoir un pourrissement de la situation avec un report des élections prévues l’an prochain à une date indéterminée. Il existe aussi des solutions intermédiaires. La force Licorne pourrait se retirer et passer le relais à l’ONUCI en priant pour que l’histoire ne se répète pas comme en Sierra Leone, où les forces des Nations Unies ont été ridiculisées par Foday Sanko et le RUF. Cela aboutirait à un pourrissement supplémentaire de la guerre avec, cette fois encore, des milliers de victimes civiles. (1) Peuple de Côte d’Ivoire d’origine Akan établi dans le centre du pays à la jonction de la savane et de la zone forestière.
(2) Guillaume Kigbafori Soro est l’un des principaux opposants au président ivoirien. Catholique originaire du nord de la Côte d’Ivoire, Soro est devenu populaire au moment de son élection comme secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI). Il a également été ministre « ex-rebelle » du gouvernement de réconciliation nationale.
(3) L’armée de Foday Sanko, chef de la rébellion du RUF allié à Charles Taylor, son compagnon d’armes vont terroriser la Sierra Leone pendant dix ans. Le RUF est tristement célèbre pour leurs actes de barbarie et leurs exactions systématiques (viols collectifs, exécutions sommaires, amputations des membres, oreilles et nez, recrutement d' »enfants soldats »). pour contrôler les diamants de l’Est du pays. Sanko est décédé en juillet 2003 à la suite d’une crise d’apoplexie alors qu’il allait être entendu par le Tribunal pénal international pour crimes de guerre.
(4) A la suite d’un coup d’Etat, l’ancien chef d’état-major Robert Gueï destitue Henri Konan Bédié et prend le pouvoir. Il dissout les institutions républicaines et crée un Comité National de Salut Public (CNSP). Alassane Ouattara, chef du RDR et l’opposant de Bédié, rentre alors de France où il était exilé.
*Michel Galy est sociologue, politologue, chercheur au Centre d’Etudes sur les Conflits et enseignant à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Il a passé sept ans en Côte d’Ivoire comme chercheur à l’ORSTOM (devenu depuis l’IRD, l’Institut de Recherche pour le Développement).
|