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veronique

« Être Homme, qu’est-ce que c’est ? Être Homme, c’est précisément être responsable.
C’est sentir, en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde. »
Antoine de Saint-Exupéry, cité par Véronique Anger

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Le monde à l’envers ?

Par Véronique Anger-de Friberg
présidente et fondatrice du Forum Changer d’Ère

Le mot de la présidente, Forum Changer d’Ère#4
Cité des sciences et de l’industrie, 2 juin 2016

 

« Bonjour à tous !

Chaque année, c’est plus qu’un plaisir et un honneur de vous retrouver à la Cité des sciences, c’est une grande émotion.

Merci d’être fidèles au rendez-vous… en dépit des grèves et des intempéries !

Nous allons vivre aujourd’hui, je crois, une journée extraordinaire. Une journée sous le signe de la mixité, de la transdisciplinarité, de l’intergénérationnel, les marques de fabrique de FCE.

Je tiens, dès à présent, à remercier chaleureusement toutes les personnalités qui interviendront aujourd’hui : merci de nous faire confiance et de nous apporter vos lumières !

Je remercie également Universcience et son président Bruno Marquart, les équipes de la Cité des sciences qui nous accueillent et nous épaulent depuis 4 ans, ainsi que les équipes du Forum Changer d’Ère (Triple C & Instants bordelais) qui m’accompagnent avec conviction depuis le début de cette aventure.

Merci aux entreprises partenaires (Universcience, groupe Orange, ADEO Services, BVA, Total, Mazars et Biotics int.) qui soutiennent notre forum tout en respectant notre liberté de ton.

Et un « merci » tout particulier à Joël de Rosnay et à Eloi Choplin, qui s’impliquent à mes côtés chaque année avec beaucoup d’énergie et d’amitié.

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« Empowerment : partager le pouvoir à l’ère des réseaux sociaux ». Tel est donc le thème de cette 4ème édition du Forum Changer d’Ère. Le processus d’empowerment induit les notions d’autonomie, de responsabilité, de contrôle sur soi et de pouvoir. Pas de pouvoir sans contrepartie. En effet, pouvoir et responsabilité sont indissociables de l’empowerment : deux faces d’une même médaille comme nous le rappellera le philosophe André Compte-Sponville, qui ajoute un toisième élément tout aussi fondamental : l’éthique.

Ce phénomène d’empowerment (on parle aussi d’autonomisation) est en train de prendre une réelle ampleur à l’ère numérique. Les individus ont pris conscience qu’ils détenaient collectivement des « super pouvoirs » décuplés par les réseaux sociaux, et ils s’organisent en communautés pour alerter, mobiliser et faire réagir. Des super pouvoirs qui les incitent aussi à davantage coopérer, s’engager, décider ensemble, en même temps qu’ils prennent le contrôle sur leur vie.

Il existe évidemment des barrières à cet empowerment, comme nous le verrons. Les élites (politiques, économiques ou médiatiques) qui exerçaient jusqu’alors un pouvoir pyramidal, centralisé, semblent désemparées : cette expression démocratique les contraint de plus en plus à partager leurs pouvoirs et, jusqu’à présent, leur pouvoir s’exerçait plutôt sans partage.

Alors comment changer d’ère dans un monde crispé sur ses modèles traditionnels et ses vieux réflexes de pouvoir, de management, de création ? On voit bien qu’en dépit des résistances, les individus s’emparent des technologies existantes et bouleversent la société, les business models, la relation au travail, etc.

Ces nouveaux jeux de pouvoir à l’œuvre dans la société et l’entreprise entraînent déjà de profonds changements des systèmes d’influence, plus de transparence et de possibilités d’exercer des contre-pouvoirs, de nouveaux modes de diffusion des savoirs…

Se posent alors les questions de la désintermédiation sous toutes ses formes et d’une vraie démocratie participative dans un contexte où les grands lobbies, les politiques ou les médias tentent de résister. C’est ce dont débattront nos premiers invités dans un instant.

Même les plateformes de mise en relation se font « uberiser » (pour reprendre le terme inventé par Joël de Rosnay et passé dans le langage commun). Je ne sais pas vous, mais moi je trouve plutôt sain d’imaginer Uber ou Airbnb pris à leur propre piège !

Dans son livre testament, L’urgence de la métamorphose (éds. Des Idées & des Hommes, 2007) Jacques Robin, fondateur du Groupe des Dix qui a inspiré et donné son nom au Forum Changer d’Ère, appelait à une complète métamorphose de la société. Nous y voilà ! Si l’ancien monde domine encore… ses jours sont comptés !

Pour autant, il ne faut pas ignorer le côté sombre de l’empowerment et les effets pervers toujours possibles : les mouvements de foules sous le coup de l’émotion et les risques de manipulation massive, la tentation de capter, voire d’abuser de ses tout nouveaux pouvoirs…

Ces grandes mutations nées du numérique qui bouleversent les rapports de pouvoir, mais aussi nos vies personnelles et professionnelles, semblent parfois mettre le monde à l’envers… Et si le sens de l’un est parfois le contre-sens de l’autre grâce à cette nouvelle culture du numérique, nous verrons que nous pouvons remettre un peu de bon sens dans ce monde de carcans imposé par les politiques et les grands lobbies : Nous avons le pouvoir d’agir, comme l’expliqueront tout à l’heure Gilles Babinet, Diana Filippova et Cécile Renouard.

En réalité, ce monde à l’envers qui émerge du chaos ambiant est bien plus censé, bien plus à l’endroit quand il donne le pouvoir au citoyen tout en préservant l’intérêt général. Lorsqu’il offre l’opportunité de se changer soi-même pour changer le monde pour reprendre le thème de l’atelier du Digital Society Forum d’Orange de cet après-midi.

Le monde véritablement à l’endroit, c’est aussi toute une jeunesse qui fait preuve d’une incroyable créativité et conserve foi en l’avenir : « La jeunesse est la seule génération raisonnable » affirmait François Sagan. Je suis bien d’accord : laissons la jeunesse (ou les Millenials pour reprendre l’expression à la mode) décider de son futur et, au minimum, montrons-lui la voie de l’émancipation !

La déconnexion de nos élites, son incapacité à analyser les causes profondes de ce monde en transformation contraignent les citoyens à « faire avec »… en mutualisant les idées et les moyens pour imaginer, en marge des institutions, des solutions à des problèmes de plus en plus complexes, comme nous le verrons avec le philosophe Vincent Cespedes.

Ainsi, sans attendre des directives venues « d’en haut », des individus lancent des initiatives qui profitent à tous. En changeant la société, ils se sentent responsables non seulement de leur avenir, mais de celui de toute la communauté. Ces « gens qui font » sont de plus en plus nombreux et appartiennent à toutes les générations.

Et le phénomène est mondial : une révolution silencieuse et pacifique est en marche avec des mouvements moteurs de changement positif qui émergent aux 4 coins de la planète. En France, ces lieux d’innovation se nomment : Bleu, Blanc, Zèbre !, Babyloan, Cap21, Change.org, Démocratie ouverte, HelloAsso, IF’s, Kisskissbankbank, MakeSense, Ouishare, Place2B, SoScience, Women’Up, ZupdeCo… pour ne citer que ceux présents à Forum Changer d’Ère.

En mobilisant pour résoudre collectivement nos enjeux de société, comme on le verra avec la communauté MakeSense qui incarne cette société collaborative (« l’ère du partage » comme aiment à l’appeler les médias) nous sommes en train de remettre à l’endroit ce monde qui avait perdu le sens de l’essentiel, voire le sens tout court.

Cette révolution solidaire et positive portée par de simples citoyens, des élus, des associations, des entreprises… touche tous les pans de la société parce que le processus d’empowerment est contagieux. Parce que les leviers de changement positif sont partout… même dans les grandes organisations, même chez les politiques !

Oui, il existe des bonnes volontés là où l’on ne s’y attendait pas… D’où l’importance de savoir les identifier et les rassembler. Parce qu’on ne peut construire que sur ce qui rassemble, ne nous focalisons pas sur ce qui divise ! Faisons confiance à la dynamique citoyenne, à la société civile agissante au bénéfice de tous, à notre tradition associative et coopérative, bref à l’imagination et à la sagacité collective !

Laissons-les faire ! réclament Alexandre Jardin et Guillaume Villemot à qui, Laure Belot, lauréate 2015, et moi-même remettrons le Prix Forum Changer d’Ère 2016 pour récompenser leur mouvement « Bleu, Blanc, Zèbres ! » et ses membres, les « faizeux », qui présenteront cet après-midi plusieurs de leurs bouquets de solutions.

Dans le contexte actuel de crise et d’incertitude, d’un monde en accélération et en complète transformation, Forum Changer d’Ère#4 propose une nouvelle journée de débats et d’échanges pour comprendre et construire ensemble le monde de demain.

Alors que la relation gouvernés-gouvernants aussi est en train de changer : nos modèles, l’autorité, l’exercice de la démocratie… sont remis en cause, comment faire en sorte que ce soit pour le meilleur ?

Chacun de nous, à son niveau, peut créer les conditions permettant de mobiliser à l’échelle de l’individu ou de la collectivité. Chacun peut contribuer à changer d’ère pour le meilleur en faisant sa part. En faisant sienne cette citation d’Antoine de Saint-Exupéry, que j’ai choisie pour illustrer cette 4ème édition :

« Être Homme, qu’est-ce que c’est ? Être Homme, c’est précisément être responsable. C’est sentir, en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde. ».

Merci. Bon Forum Changer d’Ère à tous ! »

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- Véronique Anger-de Friberg a remis le Prix FCE16 à Alexandre Jardin et Guillaume Villemot, cofondateurs du mouvement Bleu, Blanc, Zèbre !

– Retrouvez Véronique Anger dans le webdoc du Forum