Véronique Anger : La société qui vous emploie, Arese, détient 80% du marché français de la notation d’entreprise fondée sur des critères de développement durable. Voulez-vous nous présenter ce concept, et expliquer en quoi consiste votre métier ? VA : Quelle organisation avez-vous mise en place ; et pour quels types de clients ? VA : Comment imaginez-vous l’avenir du développement durable ? Et celui d’Arese ? (1) Au sens : prise en compte de critères non financiers. *ARESE a été fondé en 97 par Geneviève FERONE, Consultante pour les fonds de pension (notamment éthiques) américains dans les années 90. Son idée était d’adapter un concept né outre-atlantique à la culture européenne en inventant un outil de notation reposant sur des critères positifs. La Caisse des dépôts et la Caisse d’épargne sont les actionnaires de référence d’Arese. Pour en savoir plus sur Arese et le développement durable : http://www.arese-sa.com – Voir aussi : http://212.11.59.65/gazette/gazette2000/articles/croissancedur1.htm
Inconnu il y a seulement quatre ans, le « développement durable » est aujourd’hui en plein essor. Jean-Philippe Desmartin, Analyste senior chez ARESE* (Agence de Rating Social et Environnemental sur les entreprises) nous dévoile ce nouveau concept fondé sur la « responsabilité partagée ».
Jean-Philippe Desmartin : La notion de développement durable est récente puisqu’elle puise ses racines dans le contexte historique du sommet de Rio de 92.
Selon ce concept, les entreprises se situent dans une société de marché, donc de recherche de développement économique et de performance financière, mais elles n’évoluent plus dans un monde essentiellement dirigé par des objectifs de rentabilité et de valorisation boursière. Désormais, l’entreprise créatrice de valeur s’inscrit dans un développement durable dont les piliers reposent sur le progrès économique, la cohésion sociale et le respect de l’environnement.
Pour réussir dans la durée, et garantir aux générations futures la préservation des richesses, elle doit assurer un équilibre entre la rentabilité financière et ces trois éléments fondateurs. Pour cela, il lui faut satisfaire des acteurs aux intérêts parfois divergents (salariés, clients, fournisseurs, actionnaires, parties prenantes de l’environnement social ou naturel, …).
Notre métier consiste à noter les entreprises françaises et européennes appartenant aux indices boursiers SBF 120 et Euro Stoxx 326 (de « pionnière » ++ ; « bien » + ; « moyenne » = ; « en devenir »- ; à « peu concernée » – -) vis-à-vis des « parties prenantes ». La notation évolue dans le temps. Pour cela, nous analysons 5 critères « positifs » déterminants :
- Ressources humaines
- Environnement naturel
- Relations client/fournisseurs
- Relations avec les actionnaires
- Comportement citoyen (insertion, Fondation, …).
Nous allons noter les pratiques d’une entreprise par rapport à ses concurrents dans son secteur d’activité. Concrètement, nous n’allons pas comparer une banque avec une société pétrolière…
Notre approche diffère de celle des Anglo-saxons qui intègre des critères d’exclusion (alcool, armes, tabac, appartenance religieuse, …) liés à des jugements d’éthique morale, et relevant de choix individuels ou communautaires. Nous proposons une méthodologie quantitative la plus rigoureuse et la plus objective possible.
A chaque critère de notation sont associées trois déclinaisons :
- Le leadership. Il s’agit d’apprécier le degré de prise en compte de ces sujets au plus haut niveau de l’entreprise (présidence, direction générale,…)
- Le déploiement. Il s’agit d’évaluer les moyens déployés et les résultats obtenus
- Les résultats.
JPD : L’activité d’Arese est organisée en quatre pôles d’analyse : TMT (Technologies, Médias, Télécoms) ; Industrie ; Services Financiers ; Biens et services de consommation courante.
Elle permet, pour chaque critère, de remplir trois cents champs. Selon l’activité de l’entreprise, certains seront activés et d’autres, non. Par exemple, les critères tels que l’hygiène ou la sécurité seront sous-pondérés pour des sociétés à caractère purement « intellectuel ». En revanche, la qualité du recrutement et de la formation continue seront déterminants et, par conséquent, sur-pondérés.
Nous intervenons essentiellement pour le compte de banques ou d’investisseurs financiers (Caisse des dépôts, Caisse d’Epargne, Crédit mutuel, DEXIA, Lazard, Société générale,…).
Nos clients souhaitent lancer des fonds éthiques, « socialement responsables » (ou fonds de développement durable) qui se situent au-delà de la simple performance financière ou de l’investissement en actions. Ils expriment également une volonté d’intégrer des critères différents de ceux liés aux PER ou aux » cashflows ».
Par déontologie, nous ne travaillons pas aujourd’hui pour les sociétés que nous évaluons. En revanche, nous effectuons régulièrement des missions pour le compte d’entreprises publiques ou de PME non cotées.
Nous travaillons avec les gérants de 25 fonds éthiques(1), qui possèdent leurs propres process de gestion financière. Nous ne leur imposons pas une liste d’entreprises ; nous leur fournissons des informations (notes et analyses). Ensuite, libre à eux de construire leurs critères de gestion en intégrant leurs propres valeurs d’exclusion. Par exemple, une organisation syndicale peut décider d’éliminer de son portefeuille toutes les entreprises ayant appliqué un plan social en 2000.
Pour beaucoup de syndicats, l’investissement en bourse a longtemps été tabou. Or, le financement de longue durée nécessite des placements en actions. La possiblité de choisir des fonds socialement responsables modifie leur regard sur la gestion d’actifs en donnant du sens à leur investissement.
Il est important de préciser qu’Arese n’est, en aucune façon, un lobby ou un outil politique, voire militant. Nous tenons à garder notre indépendance et notre objectivité. Il y va de notre crédibilité.
JPD : Le marché des fonds éthiques connaît une progression de plus de 60% depuis 97. Il représente déjà 0,7% des investissements financiers en France et 13% aux Etats-Unis. En France, le nombre de fonds socialement responsables a triplé en un an (10 en 1999 contre une trentaine en 2000).
Les entreprises doivent être à l’écoute de ce mouvement ne serait-ce qu’en raison de l’enjeu de masse financière (nous travaillons pour des fonds américains, hollandais, anglais, …). De plus, « l’entreprise citoyenne » est une notion qui permet de fédérer les individus autour de valeurs autres que financières. C’est pourquoi je pense que le développement durable va devenir incontournable.
En 97, lorsque Arese s’est lancée en pionnière sur ce créneau, seulement un quart des grandes entreprises parlaient de développement durable. Aujourd’hui, 80% d’entre elles se déclarent concernées. Certaines exploitent ce « filon » à des fins marketing ou publicitaires.
A horizon 2003, je pense que la majorité des fonds anglo-saxons aura intégré des critères positifs en complément de leurs traditionnels critères d’exclusion.
Pour Arese, les enjeux se situent sur la scène internationale. Nous avons l’ambition d’acquérir une réelle dimension européenne. Nous avons créé un GIE, le SIRI Group, avec des agences de notation européennes, nord américaines et bientôt japonaises, dont l’approche du métier est commune à la nôtre. Notre objectif est d’offrir une couverture géographique mondiale d’investissement à nos clients.
Développement durable : la responsabilité sociale et environnementale au service de la performance
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- Les Di@logues Strategiques on 2 mai 2010 inLes Di@logues Strategiques
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(Les Di@logues Stratégiques® N°13 – 03/01)