La nouvelle donne géostratégique africaine voit se renforcer les volontés capitalistiques des grands groupes industriels internationaux dans la perspective de nouveaux marchés et de profits alléchants.
La vision politique des répartitions des réserves de matières premières mondiales, en particulier sur le continent africain, implique la mise en place des moyens nécessaires à leur exploitation et à leur rentabilité. Elle annonce une nouvelle étape de la vie économique des grands pays africains.
Gages de prospérité pour l’économie nationale des pays d’accueil, les investisseurs étrangers sont accueillis à bras ouverts. Toutefois, s’implanter sur le continent africain réserve parfois de mauvaises surprises : instabilité politique chronique, conflits armés, guerres locales ou transnationales, méconnaissance des démarches administratives, taxes diverses, problèmes de logistique et de sécurité, soucis douaniers,…
Pour réussir à occuper une place stratégique en Afrique, les grands groupes étrangers doivent s’appuyer sur une logistique d’envergure. Incontournables sur le terrain, experts régionaux et meilleurs spécialistes de l’Afrique sont appelés en renfort pour faciliter l’implantation des entreprises et « mettre de l’huile dans les rouages africains… » selon l’expression de Robert Montoya, reconnu comme l’un des principaux acteurs de la sécurité et de la logistique africaine.
Eviter les désagréments et gagner un temps précieux
Son expérience de la logistique et de la sécurité avec le groupe S.A.S., son réseau de relations tissées dans différents Etats (aux plus hauts niveaux), sa parfaite connaissance du territoire, des populations et des pratiques locales permettent d’éviter bien des désagréments tout en gagnant un temps précieux.
« Notre domaine d’activité est vaste. Nous effectuons en partenariat avec SOFRECAP des missions de conseil, d’audits, de sécurité des personnes et des biens (individus ou entreprises), de sûreté aéroportuaire (régulation de l’immigration), de sûreté des compagnies aériennes (KLM, Corsair, Air Afrique, Air France,…) d’accompagnement à l’export, de renseignement économique,… ».
Président de S.A.S. et Directeur Général de Darkwood logistique, ce Français(1) au passé militaire qui vit en Afrique depuis toujours a été choisi par le puissant pétrolier Exxon Mobil pour convoyer des marchandises à destination de ses nouvelles installations pétrolières basées au Tchad(2).
Rappelons que le géant américain est en train de bâtir un oléoduc transafricain de plus d’un millier de kilomètres, qui s’étendra du Cameroun à l’océan atlantique.
Pour le Tchad, l’un des pays les plus pauvres de la planète, les enjeux sont immenses en termes de développement économique. Exxon va investir des milliards de dollars sur plusieurs années et créer des centaines d’emplois. Le Tchad deviendrait ainsi -grâce à Exxon- l’un des premiers opérateurs du secteur.
« Ce chantier -l’un des plus gros au monde- nécessite donc le déploiement de moyens logistiques importants pour acheminer, dans un laps de temps relativement court associé à des contraintes financières draconiennes, toute sortes de marchandises (véhicules, biens d’équipements, machines, matériels divers,…). Dans ce cadre, notre travail consiste à créer des voies, à tester les itinéraires, à assurer leur fluidité et leur fiabilité.
Nous sommes également chargés de dénicher des entreprises- en particulier sur l’Afrique de l’Ouest (Bénin, Togo, Côte d’Ivoire)- capables de fournir des produits manufacturés aux normes européennes. Produits que nous acheminons ensuite jusqu’au Tchad. ».
Explorer des voies originales
Si Robert Montoya a gagné ces contrats, c’est parce qu’il a su explorer une voie originale et mettre en place des solutions efficaces. Avec son équipe, il a imaginé un trajet permettant de gagner plusieurs semaines sur les circuits classiques.
« L’itinéraire initial prévoyait de faire transiter des milliers de tonnes de marchandises par un point unique, le port de Douala au Cameroun, puis de traverser tout le pays pour remonter vers les gisements pétroliers du centre Tchad. Or, ce système, trop axé sur l’Afrique centrale, s’est rapidement trouvé engorgé.
Lorsque Exxon nous a consultés, nous lui avons recommandé un autre circuit, développé à partir des ports d’Afrique de l’Ouest : Lomé au Togo ou Cotonou au Bénin.
Lomé bénéficie à la fois d’un port en eaux profondes doté des infrastructures adéquates et d’un aéroport international. Autre atout : une zone franche importante, qui offre évidemment des perspectives intéressantes. Nous avons suggéré d’utiliser un axe d’approvisionnement routier traversant le Togo et le Bénin, puis de remonter le Nigéria jusqu’au Tchad. C’est cet axe que nous utilisons depuis plusieurs semaines. ».
Un savoir-faire particulier qui semble emprunter beaucoup aux logisticiens militaires, responsables des déplacements de troupes sécurisées et rapides…
« Du point de vue de la sécurité, nous essayons de parer à toute éventualité. ». Grâce à de précieuses relations, le convoi bénéficie d’escortes douanières à travers les différents pays. Bien entendu, suite aux attentats terroristes du 11 septembre, l’aspect sécurité a encore été renforcé.
« Tout se passe bien. Actuellement, il faut compter 15 jours pour que nos convois (une cinquantaine de personnes pour 20 à 25 véhicules) partis de Lomé rejoignent N’Djaména. Nous avons bon espoir de faire appliquer les accords inter Etats visant à faciliter les contrôles aux frontières. La coopération des pays intéressés laisse présager que nous serons bientôt en mesure de ramener la durée du trajet à 10 jours. ».
Le signe tangible d’un changement géostratégique majeur
Témoin original d’une époque et d’un continent en pleine mutation, Robert Montoya a vu l’Afrique se transformer en quelques années. L’une des facettes de son métier d’aujourd’hui, qui consiste à ouvrir des voies de communication inter Etats, est révélateur des bouleversements que vit actuellement ce continent. Ces voies, financées dans le passé par les seuls états africains, le sont aujourd’hui partiellement par de grands groupes privés intéressés à développer l’économie de marché en Afrique.
Dans beaucoup de secteurs de ces économies en développement, la faillite économique des nations africaines a conduit les Etats à accepter des capitaux privés pour financer des projets nationaux.
Le parallèle avec les banques régionales « mixtes » est tentant. La constitution de holdings banquiers détenus par les états africains et des investisseurs privés sont le signe tangible d’un changement géostratégique majeur. Dans ce contexte, il sera intéressant de suivre la création par les 15 Etats africains de l’Afrique de l’Ouest, de Banques d’Investissements Régionales, en particulier de la Banque Régionale d’Investissements de la CEDEAO (BRIC).